Du camarade Jouhaux, de la C.G.T. :
Je crois nécessaire, indispensable, la diffusion dans les rapports entre prolétaires de langues diverses, d’une langue auxiliaire, intermédiaire commune.
Si cela était acquis, les discussions internationales deviendraient moins fastidieuses, plus claires et plus précises. C’est un progrès à réaliser, aussi j’applaudis des deux mains à tout ce qui pourra être tenté dans ce sens.
La création du Travailleur Espérantiste étant un pas de fait en cette voie, je ne puis qu’apporter avec mes souhaits de réussite, tous mes encouragements aux militants qui se sont voués à cette tâche.
Du camarade Marie, secrétaire de l’Union des Syndicats :
Voici l’opinion d’un bien involontaire profane de l’Espéranto. Sur la langue elle-même, je pèche coupablement par ignorance. C’est, hélas ! le cas de nombreux militants que les préoccupations, le travail et le temps fiévreusement employé, absorbent au point qu’ils souffrent de ne pouvoir posséder d’autres sciences.
C’est ce qui fait que je suis espérantiste de coeur. C’est peu, mais cela indique que ma préférence morale va vers la langue internationale que vous préconisez. Voici pourquoi :
D’abord, c’est de l’Espéranto que j’ai entendu parlé en premier ; c’est cette langue que j’ai préconisée moi-même à cause du but qu’elle se promettait ; c’est encore cette langue qui eut la vogue dans les U.P. ; c’est l’Espéranto qu’approuvèrent les Congrès confédéraux ; c’est l’Espéranto dont l’Union des Syndicats de la Seine subventionne modestement un cours organisé par le Syndicat des Peintres de la Seine.
A cette préférence vient s’ajouter une appréhension cruelle.
L’Espéranto, né en 1887, était l’unique langue devant favoriser nos relations internationales et saper la confusion des langues nationales. C’était frane et clair.
Depuis, ont surgi d’autres langues : Ido, Solrésol, etc., lesquelles, avec l’Espéranto, compliquent encore cette confusion de langues nationales.
Nous tombons dans une profonde erreur. En voulant déblayer la route, nous l’encombrons davantage [1].
Maintenant, c’est affaire de propagande pour chaque école de s’arracher des adeptes. Situation bien pénible qui entache l’âme qui se donne une bien plus haute portée.
Il faut pourtant bien que l’une triomphe de l’autre, car alors, mieux vaudrait apprendre trois ou quatre langues nationales que d’être obligé demain d’apprendre quinze langues internationales.
Salut syndicaliste.
el Le Travailleur Espérantiste, januaro 1912
[1] Depuis l’Ido, une dizaine de projets ont vu le jour. C’est pour cette raison que l’Espéranto seul doit nous intéresser si nous voulons voir notre rêve se réaliser.
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